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Politique - Page 5

  • Le Grand Condé et son « petit péché »

    « Le prince de Condé sortant de son carrosse pour faire halte dans une auberge avise un jeune garçon qu’il trouve charmant, et, tout en discutant, l’entraîne dans sa chambre… » Tallemant des Réaux, écrivain.

    Certes, la bisexualité n’est pas héréditaire. Néanmoins, Louis de Bourbon était le fils, né en 1621, de Henri II de Bourbon, bâtard du roi Henri IV, dont l’écrivain Tallemant des Réaux disait déjà : « Le prince de Condé est un grand masturbateur qui met la main dans les chausses de tout homme qui lui plaît. » Tel père, tel fils ? Le roi Henri IV, connaissant l’aversion de son petit-fils bâtard pour les femmes, s’empresse de marier Louis, à peine pubère, avec Mlle de Montmorency. Cela n’empêche pas évidemment le jeune prince de Condé de préférer toujours mettre dans son lit ses jeunes pages, puis ses officiers.

    Selon la princesse Palatine, bellesoeur de Louis XIV, Louvois, ministre du Roi-Soleil, usait auprès du souverain d’un argument original pour sauver la mise au prince sodomite : « Condé ne pouvait souffrir les dames, écrit-elle. À l’armée, il se livrait à la sodomie avec ses jeunes cavaliers. Louvois, pour les sauver, disait au roi que cela valait mieux pour le service de Sa Majesté que s’ils aimaient les femmes, car, lorsqu’il fallait aller à la guerre et entrer en campagne, on n’aurait pu les détacher de leurs maîtresses. Tandis qu’ayant d’autres inclinations, ils étaient bien aise de quitter les dames et d’entrer avec leurs amants en campagne. »

    Tallemant des Réaux raconte aussi la scène suivante : « Le prince de Condé, sortant de son carrosse pour faire halte dans une auberge de campagne, avise un jeune garçon qu’il trouve charmant. Il l’aborde aussitôt, lui pose des questions sur son collège et, tout en discutant, l’entraîne dans sa chambre où le dîner est servi. Les laquais, habitués à ce manège, laissent le prince et l’écolier en tête-à-tête. Condé lui demande si, avec ses camarades de classe, il n’a pas l’habitude de se branler, et sans plus attendre, plonge sa main dans la culotte du chérubin.
    – Comment ? Vous ne bandez pas ?
    – Pardonnez, Monseigneur, dit l’écolier rougissant, c’est le respect qui m’empêche.

    Alors le Prince se fait prendre son engin et enseigne au novice à le branler de la main gauche en lui mettant les doigts de la main droite dans le cul. À ce moment on frappe à la porte. C’est le trésorier du prince qui a couru après lui depuis Paris pour lui faire signer des papiers importants. Furieux, le prince jette l’homme dehors en hurlant : “C’est bien le moment pour me faire signer des papiers !” »

    Toutefois, l’amour des garçons n’empêche pas le prince de Bourbon-Condé d’être un des plus grands généraux français, ce qui lui vaudra d’être surnommé le Grand Condé. À 22 ans, il est vainqueur des Espagnols et des Impériaux à Rocroi, en 1643. Puis, à Fribourg en 1644, à Nördlingen en 1645, à Lens en 1648. Ces victoires permettent à Mazarin de conclure la Paix de Westphalie, qui met fin à la guerre de Trente Ans et donne à la maison de Bourbon la prépondérance que la maison d’Autriche exerçait en Europe depuis Charles Quint.

    Mais Condé, qui fut le principal défenseur de la Cour durant la Fronde parlementaire, retournera sa veste pour devenir le chef de file des adversaires du roi durant la Fronde des princes. Le parlement, qui avait jusqu’alors pour mission de rendre la justice, veut s’occuper des réformes politiques. Mazarin fait arrêter deux conseillers qui se sont signalés par la violence de leur opposition.

    Paris se couvre de barricades. Pour échapper à l’émeute, le cardinal s’enfuit à Saint-Germain
    avec la régente Anne d’Autriche et le jeune Louis XIV. Condé, à la tête des troupes royales, parvient rapidement à reconquérir Paris. Mais sa victoire lui monte à la tête, il monnaye son appui, exigeant des faveurs continuelles, tentant de dominer la régente et son ministre.

    Craignant une conspiration, Mazarin fait emprisonner Condé avec les princes de sa famille, d’abord à Vincennes, puis au Havre. Les amis de Condé commencent à se révolter : c’est le début de la Fronde des princes.

    En 1650, la bataille de Rethel est gagnée par les troupes royales contre Turenne qui soutient la Fronde et vient d’envahir la Champagne à la tête d’une armée espagnole. Mazarin, voyant l’insurrection s’étendre aux provinces du Nord, libère Condé, se retire à Cologne, et attend avec perspicacité que la division fasse son oeuvre entre les différents princes, chefs de la Fronde.

    Le cardinal a vu juste ! Condé se fâche avec les autres princes et s’allie aux Espagnols. Mazarin revient alors à la tête d’une petite armée levée à ses frais qu’il confie à Turenne, rentré dans le rang royal.
    Condé, à la tête d’une armée protestante, marche sur Paris, défendue par Turenne.

    En avril 1652, un combat sanglant se déroule au faubourg Saint-Antoine. La Grande Mademoiselle, fille de Gaston d’Orléans, frère du défunt roi Louis XIII, fait tirer le canon de la Bastille sur les troupes royales et ouvre les portes de Paris à Condé. Mazarin et la Cour parviendront cependant à rentrer dans Paris et à mettre fin à la guerre civile.

    Condé, condamné à mort par contumace, n’hésite pas à partir pour les Pays-Bas, à s’allier aux troupes espagnoles et à lutter contre la France de 1653 à 1658. Il est finalement battu à Arras et à la bataille des Dunes, par l’armée de Turenne.

    Louis XIV pardonne à Condé. Est-ce par clémence ou par intérêt qu’il lui rend son commandement ? Le roi sait qu’il a besoin de son meilleur général pour reprendre la tête de l’armée française. Durant la campagne de Hollande, Condé parvient à conquérir la Franche-Comté, en 1674, battant le prince d’Orange. Puis, Condé se battra aux côtés de Turenne, son ancien adversaire, pour sauver l’Alsace, en 1675. Après la mort de Turenne, Condé se retire à Chantilly.

    À sa mort, en 1686, Bossuet, le sévère prédicateur, – oubliant le « petit péché » * du prince guerrier – prononcera son éloge funèbre.

    * Lorsque l’écrivain Pierre l’Arétin dénonça au pape Paul III le goût de Michel-Ange pour les garçons – si apparent dans la chapelle Sixtine, notamment –, le pontife, lui-même bisexuel, répliqua : « C’est un tout petit péché qui s’en va avec de l’eau bénite. » À partir du 16e siècle, les personnes tolérantes n’employaient pas les termes péjoratifs de sodomite ou de bougre pour désigner les homosexuels, mais usaient de cette charmante litote : le « petit défaut », ou « petit péché ».