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Peintre - Page 3

  • Léonard de Vinci et ses deux amours

    En 1506, Léonard de Vinci rencontre Francesco, 16 ans. Salaï, l’amant en titre, a alors 28 ans, et devra cohabiter avec son rival…

    Agé de 24 ans, Léonard de Vinci comparait le 9 avril 1476, accusé de « sodomie active » sur la personne de Jacopo Saltarelli, 17 ans. L’acte d’accusation semble indiquer qu’il s’agit d’un viol collectif. Selon la loi en vigueur, les trois participants à ce viol risquent le bûcher. En fait, l’homosexualité est si répandue à Florence que la peine de mort n’est jamais appliquée. Aucun témoin ne se présente à l’audience. Comme la dénonciation était anonyme, le tribunal civil, contrairement aux tribunaux de l’Inquisition, ne peut condamner sans preuves. Toutefois, Léonard retourne en prison en attendant un complément d’enquête. Nouvelle audience, et, faute de preuves, le tribunal prononce, cette fois, un non-lieu. Vinci et ses camarades sont libérés, le 7 juin 1476.

    Selon les minutes du procès, Jacopo Saltarelli, « la victime », est un prostitué notoire. Il est fort possible qu’il s’agisse d’un coup monté par les ennemis de la famille Vinci. Si Léonard a très mal supporté ses deux mois de prison – il en parle encore dans son Journal, en 1505 –, il ne renoncera jamais pour autant à s’entourer de jeunes et jolis garçons, qui, pour l’opinion publique, sont ses apprentis, modèles et assistants, mais en réalité ses amants. On ne lui connaîtra jamais aucune liaison féminine.

    Léonard est le fils naturel de Piero, notaire au village de Vinci, et d’une paysanne de 22 ans, Caterina, qui prend grand soin du bébé, puis épouse, en 1457, Antonio, un paysan riche. Léonard recevra une éducation soignée. Dès l’enfance, il montre des qualités rares, une grande finesse de traits, un charme exceptionnel, une force corporelle peu commune alliée à une grande douceur de caractère. Adolescent, il fait déjà preuve de dons remarquables pour le dessin. Lorsque son père adoptif montre les croquis de Léonard à Andrea del V errocchio, ce dernier l’engage aussitôt comme discepolo (apprenti). Léonard est beau, atout supplémentaire pour servir de modèle. Il a probablement posé pour la statue de David, exposée au musée Bargello, à Florence.Verrocchio est homosexuel, mais rien ne permet d’affirmer que l’attachement que Vinci porte à son maître est autre que platonique. Verrocchio est peintre, sculpteur, mais également architecte et orfèvre. Léonard va profiter de la diversité de cet enseignement.

    En 1472, Léonard est maestro (maître), c’est-à-dire reconnu comme
    peintre professionnel. Léonard raconte dans son Journal ses aventures avec Sal A ïno. Celui qu’il surnomme « Salaï » (le diablotin) est capricieux, coléreux, voleur, mais Vinci lui pardonne parce qu’il ne peut se passer de lui… Le portrait de Salaï, qui se trouve à Oxford, montre un jeune homme gracieux aux cheveux ondoyants. On peut comprendre, en le regardant, la faiblesse et l’indulgence de Léonard. Salaï est très beau.
    Vinci le présentera durant toute sa vie comme son « élève », bien que Salaï n’ait jamais tenu un crayon, ni produit aucune oeuvre d’art. Sur une planche remplie d’ébauches de machines, Vinci, comme pour se détendre, a dessiné un sexe masculin en érection pointé vers une belle paire de fesses. Un petit malin, probablement un de ses apprentis connaissant bien les goûts du maître, a écrit en dessous « Salaï »… L’inscription – qu’on peut voir à la bibliothèque de Windsor – a ensuite été à moitié effacée.

    En lisant les Carnets de Léonard, on découvre un génie universel. Ses dessins préfigurent les inventions des 19e et 20e siècles : parachute, mitrailleuse, char d’assaut, hélicoptère… Ses idées, Léonard n’avait ni les moyens techniques ni la force motrice pour les réaliser. Il est le premier à oser l’autopsie de cadavres, il comprend la circulation sanguine avant Bacon, Galilée et Pascal. C’est par crainte de passer pour un sorcier qu’il n’a pas poussé plus avant ses recherches, de peur de contrarier les lois de l’Église et de finir devant les tribunaux de l’Inquisition. Ses manuscrits ne sentent-ils pas le souffre ? Quels sont ces hiéroglyphes illisibles ? Simplement l’écriture à l’envers d’un gaucher, des caractères dont on ne peut découvrir la signification que dans le reflet d’un miroir…
    La vie et l’oeuvre de Léonard prouvent à l’évidence le goût de l’artiste pour le corps masculin. Tous ses assistants sont d’une grande beauté, et, dans sa peinture, les visages d’hommes sont androgynes (Saint Jean-Baptiste), et les visages de femmes sont masculins (La Joconde). Léonard dessine nombre de nus masculins. Un des plus significatifs se trouve à la bibliothèque d’Oxford : Le Plaisir et la Peine représente une figure masculine avec deux paires d’épaules, deux têtes et deux pénis, issus d’un tronc unique. La partie du corps figurant « le Plaisir » est un garçon efféminé au regard équivoque ; la partie du corps représentant « la Peine » est un vieillard renfrogné. Il n’est pas nécessaire d’être psychiatre pour analyser ce dessin : « la Peine » représente Léonard ; « le Plaisir », le désir du peintre.

    En 1482, Léonard quitte Florence pour entrer au service de Ludovic Sforza, duc de Milan, en qualité de peintre, sculpteur, mais aussi comme architecte et ingénieur militaire. Lors de l’invasion des troupes françaises, en 1499, le roi Louis XII saura apprécier l’oeuvre de Vinci qui a déjà peint un grand nombre de chefs-d’oeuvre. À la mort du pape Alexandre VI Borgia, en 1503, Vinci doit se chercher un autre protecteur. Il retourne à Milan, engagé par le gouverneur français. Il poursuit alors ses recherches scientifiques sur des sujets aussi variés que la géologie, la botanique, la mécanique, l’anatomie, remplissant ses carnets de dessins.

    En 1506, Vinci rencontre Francesco Melzi, 16 ans, fils d’aristocrates lombards, beau garçon au visage ovale encadré de longs cheveux, très clair de peau, avec des yeux en amandes. À ce moment Salaï a environ 28 ans. L’amant en titre voit d’un mauvais oeil l’arrivée d’un rival plus jeune. Les scènes de jalousie se multiplient – on en a le témoignage par le Journal de Vinci. Puis, les choses s’arrangent. Melzi et Salaï acceptent de cohabiter auprès du maître et l’accompagneront dans tous ses déplacements.

    En 1513, Vinci se rend à Rome, espérant des commandes du nouveau pape Léon X, un Médicis. Léonard ne voit pas sans chagrin la renommée de Raphaël et de Michel-Ange, qui commencent à lui porter ombrage. Nous sommes en 1515, François Ier, victorieux à Marignan, met fin aux guerres d’Italie.

    En 1516, Léonard se brouille avec le pape et accepte l’invitation du roi de France, qui le loge superbement dans un petit manoir au pied du château d’Amboise. Les deux amants rivaux sont du voyage. Un document précise les pensions annuelles versées par le roi : mille écus à Vinci, quatre cents écus à Melzi, nommé « apprenti », et seulement cent écus à Salaï, nommé « domestique ».

     En 1518, Melzi retourne à Rome. Un an plus tard, Vinci meurt dans les bras du roi, désignant Melzi comme exécuteur testamentaire. Mais il n’a pas oublié de léguer quelques biens à son premier amant,
    dont La Joconde, que Salaï, avant de mourir, en 1525, vendra à François Ier…

    Michel LARIVIERE, Historien. On vous l'a caché à l'école extrait de Têtu