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Militaire - Page 7

  • Néron, tout feu tout flamme

    Amoureux d’un esclave, Sporus, il le fait castrer, se marie avec lui en grandes pompes et le traite en épouse. Ensuite, assumant sa bisexualité, il se travestit en femme pour épouser le viril Doryphore.

    Mieux que le pacs, le mariage entre hommes était banal sous l’empereur romain Néron. Écoutons un extrait des Satires de Juvénal :

     « Je vais assister au mariage d’un de mes amis avec un autre homme. Nous serons quelques amis intimes à participer à cette cérémonie. »

     Le poète latin qui a pour habitude d’attaquer férocement les vices de ses contemporains, ne marque aucune désapprobation pour le mariage en question. Et l’empereur lui-même donne l’exemple de la bisexualité sans entraves.
    À la mort de Caligula, en l’an 41, Claude devient empereur. Néron, fils de Domitien et d’Agrippine est adopté par Claude, second mari de sa mère. À la mort de Claude, en 54, l’héritier légitime est Britannicus, fils de Claude et de Messaline. Mais Agrippine parvient, avec l’appui de l’armée, à placer son fils sur le trône. Néron prononce l’éloge funèbre de son père adoptif, et promet de prendre Auguste pour modèle. Ce jeune empereur de 17 ans, beau et svelte – il ne grossira que plus tard – commence son règne sous les meilleurs auspices et dans l’approbation générale. Juste, humain, libéral, guidé par son précepteur le philosophe Sénèque, Néron est plein de bonnes intentions et veut entreprendre des réformes révolutionnaires. Quand on lui apporte à signer une condamnation à mort il s’écrie avec compassion :

     « Plut à Dieu que je n’eusse jamais appris à écrire ! »

    Était-il sincère ou était-ce de l’hypocrisie, comme le prétendent certains ? En tout cas, Néron n’était pas le monstre sanguinaire que décrit Henryk Sienkiewics dans son roman Quo Vadis, devenu un film célèbre avec Robert Taylor et Peter Ustinov. Son désir de supprimer la peine de mort et d’alléger le poids des impôts le rend d’ailleurs vite populaire. Esthète, aimant le luxe, il fait bâtir la Domus Transitoria, un superbe palais qui utilise les plus récentes techniques d’architecture, et choisit Praxitèle comme décorateur. Il se sent l’âme d’un artiste, compose des vers qu’il chante en public.

    Puis soudainement tout bascule ! Agrippine n’accepte pas les réformes préconisées par son fils et envisage de le remplacer par Britannicus. Alors, Néron devient fou. Il voit des ennemis partout, tente d’abord de noyer Agrippine, puis la fait mettre à mort dans son palais. Britannicus était mineur, sous la responsabilité de Néron, ce prince aurait pu devenir son successeur. Mais, comme il meurt le 12 février 55  la veille de sa majorité on en conclut que Néron est le meurtrier. C’est évidemment probable, mais ce n’est pas prouvé. A près avoir été vertueux, Néron lâche alors la bride à ses inclinations morbides. On trouve dans son caractère et dans son comportement un contraste bizarre : tout en se livrant à des actes de cruauté, il s’abandonne avec passion au chant, à la poésie, à la musique, à tous les arts d’agrément qui adoucissent le coeur.
    Certes, Néron a commis des crimes, mais ce n’est pas lui qui a ordonné de brûler Rome, comme on l’en accuse. L’historien Tacite précise même, de la manière la plus formelle, que l’empereur cherche tous les moyens possibles pour empêcher l’incendie de s’étendre et qu’il tend une main secourable aux victimes de cette catastrophe, qui n’est peut-être qu’accidentelle. Mais l’opinion publique veut des coupables. Néron diligente une enquête chargée de trouver les incendiaires. On découvre qu’une certaine secte de juifs qu’on appelle chrétiens affirment que le feu est venu du ciel pour punir les crimes de Rome, que cet incendie est l’oeuvre de leur dieu et que, pour cette raison, ils refusent d’aider à l’éteindre. On en conclut – un peu vite – que ce sont eux qui l’ont allumé. Sans preuves, l’empereur, ordonne alors la mort des chrétiens. Mais le spectacle d’hommes, de femmes et d’enfants livrés aux lions dans l’arène ne repose sur aucun témoignage historique. Cette image est uniquement l’oeuvre des historiens chrétiens  qui ont toujours exalté la mémoire de martyrs persécutés en raison de leur foi, alors que le motif des empereurs romains était le plus souvent politique.

    Quant à la vie sexuelle de l’empereur, elle se révèle aussi complexe que la politique romaine… Comme beaucoup de ses contemporains, Néron était bisexuel, sans en connaître le concept. D’abord amant du prince Othon, Néron épouse Octavie, puis la répudie au profit de Poppée. Il tombe ensuite amoureux de l’esclave Sporus – parce qu’il ressemble à Poppée –, il le fait castrer et se marie avec lui en grande cérémonie, en le traitant ouvertement comme une épouse. Ensuite, pour assumer pleinement sa bisexualité, il se travestit en femme pour épouser le viril Doryphore. Ces pratiques sexuelles nous semblent étranges, mais il faut se garder de les juger avec notre mentalité du 21e siècle. Ces deux mariages avaient une signification religieuse et symbolique qui nous échappe complètement.

     Lorsque Néron entre en conflit avec le Sénat, l’armée ne le soutient plus. Or, les empereurs romains ne peuvent conserver le pouvoir sans l’appui de l’armée. Une première conspiration échoue, mais la seconde réussit. Vindex, gouverneur de la Gaule celtique, et Galba, gouverneur de l’Espagne, marchent sur l’Italie. Galba est proclamé empereur par les prétoriens, et reconnu aussitôt par le Sénat. Déclaré ennemi public, Néron doit fuir. Il choisit de  se suicider, avec ces derniers mots : « Quel artiste meurt en moi ! »

     L’amour que lui portait son amant Sporus était bien réel, car ce charmant giton pouvait facilement prendre le parti de l’armée et trahir Néron. C’est à la demande de l’empereur que Sporus aide son maître à mourir. Il l’assiste dans son agonie et demeure auprès de lui jusqu’à son dernier soupir. Pour certains historiens c’est Epaphrodite, le « secrétaire » de Néron, qui lui enfonce le poignard dans la gorge. L’empereur meurt à 31 ans, dans la quatorzième année de son règne.

     

    Nous ne prétendons pas réhabiliter Néron, mais la plupart des historiens oublient de dire qu’il est très regretté par une partie de la population. Un grand nombre de Romains vont longtemps orner son tombeau de fleurs. Il court sur cette mort des rumeurs contradictoires, certains, pleins d’espoir, parlent même d’une résurrection ! C’en est trop pour les chrétiens qui ne supportent pas de « concurrence », et n’admettent pas une possible comparaison avec le Christ. Peut-être est-ce parce que Néron assumait pleinement sa bisexualité qu’ils ont inventé la légende du tyran sanguinaire qui a brûlé leurs frères et les a livrés aux fauves dans l’arène ?

    Michel LARIVIERE, Historien. On vous l'a caché à l'école extrait de Têtu