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LES UNIONS HOMOSEXUELLES DANS L'HISTOIRE

 Les unions homosexuelles dans l'Histoire

            Dans la Bible, le prophète Samuel raconte l'amour de David pour Jonathan: "L'âme de David s'attacha étroitement à l'âme de Jonathan, les deux hommes conclurent une alliance. Lorsque Jonathan est tué, David se lamente: " Ta mort me plonge dans l'affliction, ton amour pour moi fut merveilleux, au-delà de l'amour des femmes." Soulignons que Samuel emploie pour désigner ce qui le lie à Jonathan le même mot alliance qui désigne un contrat matrimonial dans d'autres passages des Ecrits hébraïques.

            Le grec Strabon (58 avant notre ère) géographe et l'ethnographe le plus digne de foi de l'Antiquité païenne, décrit en Crète - avant la civilisation grecque- une cérémonie d'enlèvement rituel établissant une relation légale entre deux amants du sexe masculin. Cet enlèvement, demandé par les parents, était bien un contrat conclu à l'avance avec l'adulte: engagement de prendre en charge leur fils pour en faire un chasseur.

            Hormis l'enlèvement, nous trouvons ici tous les éléments de la tradition européenne du mariage: témoins, cadeaux, sacrifice religieux, banquet public, changement rituel pour l'épouse du costume masculin au profit d'une robe. La déclaration publique au cours du banquet préfigure ce qui allait devenir l'élément essentiel du mariage dans le droit romain et chrétien; une déclaration de consentement à l'union"  Acceptez-vous de prendre pour époux?"

Union homosexuelle dans le monde gréco-romain

Le clivage entre hétéro et homosexualité est un concept absolument inexistant dans les civilisations antérieures au christianisme : Les grecs de l’Age d’Or sont bisexuels sans en avoir défini le concept. La pédérastie n’est pas une tolérance, mais une véritable institution avec ses règles, ses principes de bonne conduite, comme dans le Bataillon Sacré de Thèbes, formé de couples d'amants.

            Dans toutes les cités grecques on retrouve ce modèle de couple à ce point institutionnalisé que l'on peut l'assimiler à un mariage. L'enlèvement et l'initiation du jeune garçon par son amant, hérité des plus anciennes coutumes crétoises est remplacé en Grèce par un rituel plus civilisé, le passage en douceur de l'âge tendre à l'âge viril par l'éducation des sens et de l'esprit. Le couple éraste- éromène, cette liaison entre l'adulte barbu et l'adolescent juste pubère se rapproche du mariage hétérosexuel par la différence d'âge des mariés. Comme le mariage fait entrer la jeune fille dans la société des adultes, pour un jeune homme, s'engager dans une liaison homosexuelle, correspond également à un aspect rituel : l'accès au monde des adultes.

            Le mariage entre hommes existait sous Néron. Écoutons l'épigramme du poète Martial: "Le barbu Callistrate épousa le timide Afer, en vertu de la même loi par laquelle une femme prend un mari, un voile nuptial lui couvrait le visage, des torches précédaient le couple, et retentit l'hymne en honneur du dieu de l'hyménée."

L'esprit satirique reprend le dessus avec sa conclusion moqueuse: " Cela ne te semble pas suffisant ? Tu n'espères tout de même pas qu'ils vont réussir à faire un enfant ?"

            Récit identique dans une des Satires de Juvénal : " J'ai assisté au mariage d’un de mes amis avec un autre homme, nous avons été quelques amis intimes à participer à cette cérémonie.Le poète latin qui a pour habitude d’attaquer férocement les vices de ses contemporains, se contente d’ironiser !

            Un peu plus tard, au cours du même siècle, Juvénal nous précise que les cérémonies étaient devenues banales:" Je dois assister demain au Quirinal à une cérémonie bien banale: deux amis qui se marient, nous serons quelques invités. Gracchus qui est musicien, a donné à son mari une dot de 400 sesterces, il a signé les tablettes du mariage. La bénédiction a été prononcée, a suivi un grand banquet au cours duquel la nouvelle mariée, vêtue d'une  longue traîne et avec son voile nuptial s'est couchée à côté de son mari. Voilà donc un homme de haute naissance qui se marie avec un homme du commun." Juvénal est satiriste et s'il cite cette histoire c'est parce qu'il considère que c'est un exemple de la décadence romaine qu'un simple musicien épouse un noble.

Dans la seconde moitié du 1er siècle, Lucien décrit une cérémonie au cours de laquelle les Scythes (vivant dans l'actuelle Crimée) s'unissaient de manière officielle et pour la vie:

" Faire une longue cour et tout ce genre de choses afin d'être assuré de conquérir l'ami  et de ne pas être repoussé. Quand un ami a été préféré à tous les autres, on dresse des contrats à cette fin et on s'engage par serment solennel à vivre ensemble et à mourir s'il le faut l'un pour l'autre, ce que nous faisons. A partir du moment où nous nous sommes entaillés le doigt et avons laissé le sang couler dans une coupe, où nous avons plongé la pointe de nos glaives et y avons bu l'un et l'autre, rien ne pourrait défaire ce qui nous lie. "

Ces unions homosexuelles ont perduré, puisque, deux siècles plus tard, le dernier grand historien romain Marcellin condamne ces pratiques des Scythes: "Chez eux, les jeunes gens s'accouplent à des hommes adultes dans des unions sexuelles innommables." notons que l'historien précise qu'il s'agir de l'union d'un adulte et d'un adolescent. C'est le modèle grec éraste/ éromène  qui demeure la norme.

            Les témoignages sur les couples de femmes sont plus rares. D'autant plus précieux cet extrait des Dialogues de Courtisanes de Lucien, un demi siècle plus tard, une femme dit: " J'ai été mariée longtemps à cette femme, qui fut longtemps mon épouse."

            Autre témoignage, à Carthage au début du IIIème siècle: Le couple formé par l' aristocrate romaine Perpétue et l'esclave Félicité, martyrisées pour leur foi par les autorités romaines.L'originalité ce couple de martyres fut ce qui frappa le plus les chrétiens qui notent avec stupéfaction qu'elles sont toutes les deux plus viriles que des soldats.

            Revenons à des exemples d’unions homosexuelles entre hommes.

Comme beaucoup de ses contemporains, Néron était bisexuel sans en connaître le concept. D’abord amant du prince Othon, Néron épouse Octavie, puis la répudie au profit de Poppée. Il tombe ensuite amoureux de l’esclave Sporus, il le fait castrer - parce qu'il ressemble à Poppée - et se marie avec lui en grande cérémonie, en le traitant ouvertement comme une épouse. Ensuite, pour assumer pleinement sa bisexualité, il se travestit en femme pour épouser le viril Doryphore.

            Ces pratiques sexuelles nous semblent étranges, mais il faut se garder de les juger avec notre mentalité du XXIe siècle. Ces deux mariages avaient une signification religieuse et symbolique qui nous échappe complètement.

Après Néron, Héliogabale, empereur de 218 à 222,( vous me direz que je choisis comme exemple des personnages peu recommandable) mais les historiens de l'époque s'intéressent plus facilement aux puissants qu'au gens du peuple.

La liaison d'Héliogabale, donc, avec l'athlète Hiéroclès est qualifié par son biographe de "mariage" , et il désigne plusieurs fois Hiéroclès comme le "mari" de l'empereur.

 

            L'aspect le plus étonnant de l'érotisme homosexuel grec n'est pas sa fréquence et sa banalisation, mais la durée de cette association consacrée par la démocratie et la bravoure militaire. Ce lien remonte à Harmodios et Aristogiton, couple d'amants qui passe pour avoir fondé la démocratie en tuant le tyran Hipparque, pour aboutir  à Pélopidas et Epaminondas, dont Plutarque nous dit: "Qu'ils étaient embrasés l'un pour l'autre d'un amour divin, et qu'Epaminondas résolu de mourir au combat plutôt que d'abandonner Pélopidas blessé."

            Les romains connaissaient les héros grecs, Virgile ajoute Nissus et Euryale dans l'Eneïde, Couple de soldats: Euryale prisonnier, Nissus s'offre pour mourir à sa place, ils seront exécutés tous les deux.

 Le couple Hadrien- Antinoüs demeure le plus connu de l'Antiquité, malgré l'absence de tout lien juridique entre eux. Toutefois on pourrait dire que le titre d'amant officiel de l'empereur vaut bien un contrat!

Bien entendu, à l'arrivée du christianisme, le mariage homosexuel est sévèrement condamné. Mais ces condamnations répétées sont le témoignage que ce mariage était courant.

"Quand un homme épouse un autre homme comme s'il était une femme, ce péché est inconvenant. Nous ordonnons que la justice s'arme d'un glaive vengeur pour que ces personnes éhontées qui se rendent coupable de ce crime soient soumises à un châtiment exemplaire et raffiné."

Précisons que non seulement cette peine a été rarement appliquée, mais que nous trouvons des exemples d'union homosexuelles chez les saints!

            Par exemple chez les saints Polyeucte et Néarque. Ces deux soldats romains d'origine grecque vivant à Métilène en Arménie, sont représentés par le biographe du IVème siècle:  "Des frères non de naissance mais d'affection qui éprouvent l'un pour l'autre l'amitié la plus étroite possible comme camarades et compagnons d'armes. Ils étaient liés par une union passionnée qui attachaient étroitement leurs âmes l'une à l'autre, chacun croyant vivre et respirer entièrement dans le corps de l'autre."

 Et Polyeucte parle de l'élément charnel de notre amour."

            Bien entendu les exégètes chrétiens eurent de bonnes raisons de réduire cet amour charnel à une amitié sans élément sexuel. Corneille transforma la relation homosexuelle de Polyeucte et Néarque en une relation hétérosexuelle triangulaire entre Polyeucte, sa femme Pauline et le romain Sévère.

Décadence de l'union homosexuelle à Rome

            Certes, le christianisme ne fut pas le seul à défendre que la finalité tant biologique que morale de la sexualité humaine était la procréation, héritage du judaïsme hellénistique, mais le christianisme insista sur ce point avec plus de constance que toute autre tradition éthique.

            Lorsque la nouvelle religion chrétienne eut assis son pouvoir, cette idée fut intégrée à tort en tant que principe chrétien dans de nombreuses structures juridiques et philosophiques européennes.

            De même que Moïse avait dit au peuple juif: "Croissez et multipliez", les légistes et fonctionnaires romains lancèrent une campagne pour encourager la procréation dans les classes supérieures de la société dont le remplacement n'était pas assuré.

            A partir de ce moment les unions du même sexe, sans être véritablement persécutées, comme chez les chrétiens, commencèrent à être mal percues par les autorités romaines.

            Toutefois l'Eglise chrétienne n'a pas toujours condamné l'union homosexuelle, l'Eglise orthodoxe à ses débuts l'a même glorifiée.

Un étonnant témoignage visuel subsiste : Une icône représentent saint Serge et saint Bacchus, unis par le Christ, est conservée au Musée d'Art Oriental de Kiev. Ce couple de soldats romains de haut rang vivant au IVème siècle est le plus typique  Leur liaison devint connue, elle attira la jalousie de leurs ennemis qui les dénoncèrent comme chrétiens. " Après leur avoir fait endosser des vêtements de femme, ils furent exhibés, conduits en procession dans la ville, portant au cou de lourdes chaînes." Selon leur biographe, Serge et Bacchus sont représentés comme le couple éraste/ éromène du Bataillon Sacré de Thèbes.

                         Au Musée de l'art de Kiev, on peut voir l'illustration d'un manuscrit : La Vie des Saints, avec en sous-titre: " Union de St Sergius et St Bacchus par la bénédiction du Christ". L'icône représente les deux saints reconnaissables à leur auréole, placés sous la bénédiction du Christ, qui occupe le plan central, comme témoin du mariage. Le manuscrit précise: "Ils étaient liés ensemble par l'amour qu'ils portaient l'un à l'autre et par l'amour du Christ."

            Là encore les historiens chrétiens des siècles suivants idéalisèrent les relations des deux saints  chrétiens, affirmant qu'elles n'avaient rien de sexuel, qu'elles étaient la suite de la tradition du pur amour entre David et Jonathan.

            L'historien Boswell a découvert des douzaines de textes prouvant l'existence d'union du même sexe - parallèle au mariage hétérosexuel-   précisant qu'après la cérémonie, le couple s'installe dans le même foyer pour passer le reste de leur vie ensemble.

             Le fonds Barberini des archives du Vatican fait état de sources manuscrites médiévales qui racontent des cérémonies d'union homosexuelles, en précisant bien entendu que ces pratiques sont formellement interdites par l'Eglise. " On allumait des cierges, les deux protagonistes posaient la main sur l'Evangile, se donnaient la main droite, leurs étaient ensuite liées, leurs têts couvertes avec l'étole du prêtre, une litanie introductive était prononcée, on procédait au couronnement, on prononçait le Notre Père, on célébrait la communion, les protagonistes échangeaient un baiser et faisaient le tout de l'autel."

            Aelred, conseiller du roi Henri II d'Angleterre, abbé au monastère de Rielvaux en 1147 dépasse les définitions des théologies antérieures dans son traité L'Amitié spirituelle, en formulant une notion de l'amitié chrétienne très proche de l'amour. Il est évident qu' Aelred était homosexuel quand il évoque sa liaison avec le moine Simon: " Si certains jugent que mon amour était trop charnel, laissons les penser ce qu'ils veulent ."  A la mort de Simon, il s'éprend d'un autre moine plus jeune et trouve une justification à  cette liaison: " Ce genre d'amitié, s'il ne s'y glisse aucune malhonnêteté, doit être permis parce qu'il peut conduire à un amour plus saint, à un rapport étroit avec Dieu."  Pour justifier l'amour qui a dominé sa vie, Aelred cite l'exemple donné par Jésus et Jean.

 Et, ce qui est primordial pour notre sujet, dans sa description du parfait amour, le moine  va jusqu'à qualifier leur relation de "Mariage": " Jésus lui-même a permis à un seul, non pas à tous, de se reposer sur son sein en signe de l'amour tout particulier qu'il lui a porté. Les secrets parfumés du mariage céleste imprégnaient leur amour. il a accordé à un seul, en signe de l'amour le plus intime, le privilège d'être appelé " le disciple aimé".

             Le couple du même sexe le plus controversé de toute la tradition chrétienne est celui formé par Jésus et Jean "le disciple bien-aimé" . L'art et la littérature des époques ultérieures ont souvent représenté leurs relations comme intime, sinon érotiques. Jean se désigne lui-même: "le disciple que le Christ aimait". Jérôme affirme que Jésus aimait spécialement Jean " parce qu'il était jeune et virginal". En essayant d'effacer tout soupçon d'érotisme, Jérôme nous rappelle sans le vouloir que dans la méditerranée antique, les jeunes gens célibataires étaient censés inspirer des désirs aux hommes plus âgés.

Nous devons passer plusieurs siècles avant de retrouver un témoignage du couple officialisé et  reconnu par la société.

  Les premiers colons espagnols qui débarquent au XVIème siècle dans les tribus indiennes nord et sud-américaines sont consternés en découvrant des mâles habillés en femmes. Ils les nomment bardaje de l’italien bardaccia qui signifie amant ou petit ami. Si nous n'avons pas trace de cérémonie particulière que l'on pourrait appeler "mariage", la réalité est là: deux hommes vivent une union qui est non seulement reconnue, mais institutionnalisée: un couple est formé par un chasseur viril et un travesti qui accompli toutes les tâches ménagères.

          Les tribus acceptent cette différence, voulue des dieux, qui ont mis une âme de femme dans un corps d’homme. Le travestisme est complètement intégré à la vie sociale. Si un jeune garçon ne se sent pas attiré par la chasse et préfère la cueillette ou la cuisine, il s’habille comme l’autre sexe et assume complètement le rôle féminin dans le couple.

            On estime même les bardaches supérieurs aux autres personnes : puisque les dieux les ont dotés de deux caractéristiques masculines et féminines, ils sont donc spirituellement plus riches, à ce titre une place de choix leur est attribuée aux cérémonies religieuses. Puisque les bardaches ont le privilège de voir les choses à la fois du point de vue masculin et féminin, ils deviennent souvent voyants ou prophètes. Persécutés par les missionnaires chrétiens, les bardaches subsisteront cependant jusqu’au premier tiers du XXème siècle.

Suivant l'ordre chronologique voici Montaigne.

 Avant sa rencontre avec La Boëtie, durant son voyage à Rome en 1580, Montaigne est  témoin d'un mariage  dont il fait le récit avec sympathie: « A Rome, des Portugais s’épousaient mâles et mâles à la messe, avec mêmes cérémonies que nous faisons aux mariages, faisaient leurs Pâques ensemble, lisaient le même évangile de noces, puis couchaient et habitaient ensemble. Il fut brûlé sept à huit Portugais de cette belle secte. »[1]

Dans le commentaire, Montaigne ne marque aucune réprobation ni condamnation, car lui-même aurait bien aimé pouvoir se marier avec La Boëtie, mais Montaigne avait raison de dissimulerla réalité de son amour, car en France également on brûle les homosexuels. On les brulera encore quarante ans plus tard.

Le témoignage de Montaigne, est, historiquement le dernier que j'ai trouvé.

            Bien que je sois agnostique, je respecte les catholiques qui croient aux dogmes. je me permets cependant de relever une contradiction.

            L'argument des catholiques selon lequel un mariage ne peut être que l'union d'un homme et d'une femme dans le but de la procréation est en contradiction avec leur dogme. En effet, les théologiens affirment que le mariage de Marie et Joseph n'a jamais été consommé, que la naissance du Christ est due à l'opération du Saint Esprit et que Marie est restée vierge.

Que reste-t-il du mariage hétérosexuel seul autorisé parce qu'il est source de procréation ?

 

Michel LARIVIERE

 



[1]Journal du voyage en Italie en 1580, Charles Déléyan 1946, page 231

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