Michel Larivière a collaboré à Têtu et on peut dire que le titre de ce magazine lui va comme un gant. Têtu, obstiné, jamais lassé de forcer toujours la même porte : c’est ainsi qu’il conçoit son métier d’historien fermement décidé à faire dire à l’Histoire officielle ce qu’elle sait si bien cacher, à savoir l’homosexualité des personnalités publiques les plus diverses, militaires, artistes, écrivains ou chefs d’État. Ce grand silence, sans cesse repris par les manuels scolaires si diserts sur les maîtresses des uns ou des autres (ah Agnès Sorel ! oh la Du Barry ! eh Juliette Drouet !) et si muets sur les amants des héros (Rimbaud-Verlaine, allons donc ! Alexandre et Éphestion, passez votre chemin !), c’est ce que cherche, livre après livre, à briser Michel Larivière. Et le combat est rude car, malgré les encouragements timides de quelques politiques, la chape de plomb est solide et les historiens peu décidés à corriger ce déni dont on sait les conséquences : absence de modèles valorisants, non-inscription des homosexuels dans l’histoire commune, perpétuation des préjugés, etc. Alors ? Alors, Larivière redouble d’efforts. Dix-sept ans après un Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres qui dressait une impressionnante liste dont l’effet de masse faisait sens à lui seul, il récidive avec Les Amours masculines de nos grands hommes qui, après quelques pages d’introduction posant avec intelligence les données du problème, passe en revue, avec la précision et la documentation impeccables et incontestables qui sont la marque permanente de l’auteur, près de soixante-dix destins célèbres, revus sous le prisme d’une homo- ou bisexualité habituellement si soigneusement contournées. Les spécialistes n’auront pas de grandes surprises ici, à part peut-être – et c’est tout le prix des ouvrages savants mais tellement tournés vers le grand public de Michel Larivière – cette incroyable impression d’accumulation (car l’auteur ajoute un interminable et fascinant listing à ses portraits !) qui ne peut que renforcer notre fierté d’être ce que nous sommes. Comme disait Robert Badinter, dont Larivière est le digne disciple : «il n’est que temps de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels, comme à tous ses autres citoyens, dans tant de domaines».
Les Amours masculines de nos grands hommes de Michel Larivière (éditions La Musardine)