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  • VILLON CENSURE DANS LA PLEIADE

    VOICI DES POÈMES QUI NE FIGURENT PAS DANS LA PLÉIADE :

    « Les coquillards viennent à cinq ou six

    Pour vendanger les ances circoncis

    Qu’ils planteront dans leurs coffres massis.

    Je sors mon coq et je m’en vas quérir

    Qui sous ses doigts me le fera blanchir

    Taille ma plume avant de l’engloutir

    Dans son fardi en poussant maint soupir[1]. »

     

    La date de naissance de François de Montcorbier est incertaine. Orphelin de père, abandonné par sa mère, il est recueilli par le chapelain Guillaume de Villon, qui lui donne son nom et le viole quand il est à peine pubère.  Ce père adoptif-amant l’élève néanmoins et l’encourage dans ses études. En 1452, François obtient sa Maîtrise ès Arts et Lettres à l’Université de Paris. Mais les bagarres avec la police  obligent le roi Charles VII à fermer l’Université. Adieu aux études  donc ! Villon s’acoquine alors avec une bande de voleurs et de prostitués des deux sexes. Et  le 5 juin 1455, il tue, probablement par jalousie, le prêtre Philippe Sermoise. Blessé, Villon fuit Paris. Jugé par contumace, le tribunal du roi de  France lui accorde le bénéfice de la légitime défense et l’acquitte.

    Petit et laid, François tombe amoureux d’un charmant gigolo nommé Noël Joris. Amour ainsi évoqué par le poète:

    « En tout temps vert, ton goupillon

    Tel est ton sort, François Villon.

    Je sens mon cœur qui s’affaiblit

    Quand Joris se sied près mon lit.

     Par mon âme, je l’aimais bien

    Or ne me faisait que rudesse

    C’est ma monnaie qu’il aimait bien,

    Il ne m’a rendu que finesse

    Ce voleur, ce mal entiché

    Que m’en reste-t-il ? Le péché. »1

     

    Est-ce par manque d’argent pour entretenir Joris ? Villon cambriole le trésor de la chapelle du Collège de Navarre, et fuit Paris pour Angers puis Blois.

                On le retrouve en 1457 à la Cour de Charles d’Orléans (père du futur Louis XII) prince et poète qui publie ses œuvres avec les premières Ballades de Villon (1461).

    On ignore le crime qu’il a commis pour perdre la faveur du Prince, mais François se retrouve en prison à Meung-sur-Loire. Décidément chanceux avec les puissants, Villon obtient sa grâce du roi Louis XI qui passe dans cette ville.

    La vie du poète ne cesse de balancer entre les faveurs princières et le retour parmi la pègre de Paris. Est-ce Noël Joris le responsable de la rixe au cours de laquelle un notaire pontifical est blessé ? Villon et son compagnon sont arrêtés, torturés, condamnés au gibet. La célèbre Ballade des Pendus, écrite en prison semble avoir été lue à la Cour, car sa peine est commuée en bannissement le 5 janvier 1463.

    À partir de ce moment on perd complètement sa trace. Est-il mort peu de temps après, des suites de la torture ? A-t-il survécu, anonyme, dans la masse de gueux de la Cour des Miracles ? Une seule certitude : c’est pendant l’hiver 1461-1462 qu’il a composé ses œuvres majeures : Le Testament, Questions au clerc du guichet, Louanges à la Cour, poèmes retrouvés deux siècles plus tard.

    La première et la cinquième Ballades, extraites du manuscrit dit « de Stockholm » ont une consonance homosexuelle qui a échappé aux exégètes. Pour éviter la censure de l’Église, Villon écrit en jobelin – un jargon fait de termes anodins, jouant sur le double sens qui masque l’homosexualité du poème cité au début de ce chapitre. Il peut, sous ce masque, crier sa différence revendiquée. Puisque chacun doit finir dans la pourriture, pourquoi ne pas se raccrocher aux plaisirs du sexe ?

               Si l’on juge ses ballades autobiographiques, Villon était un homosexuel actif, vivant dans le monde de la prostitution  durant ses nombreuses périodes de misère. Son art est un cri du cœur. Loin de s’attendrir sur lui-même, il ne cesse d’utiliser l’ironie et l’humour macabre pour évoquer cette obsession constante de la mort, cette prémonition du gibet. Dans une langue vivante et drue les vers sont rythmés avec harmonie et grâce.

     "Le pauvre petit écolier"  – c’est ainsi qu’il se nommait - n’osait espérer laisser à la postérité la moindre trace de son talent. Malgré la difficulté de lire la langue du Moyen Age,  il est notre premier poète moderne.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Sources :

    Villon, François, Poésie et Ballades en jobelin, Bibliothèque royale de Stockholm

    Levet, Pierre, Edition originale des œuvres de Villon, B.N.

    Freeman, Michael, François Villon,  Rodopi,  Amsterdam, 2000




    [1]Pour une meilleure compréhension, l’orthographe du manuscrit de Stockholm a été actualisée.